Depuis le
scrutin du 25 mai et la poussée des populistes, extrémistes et autres partis
d’extrême-droite en Europe, on se demande à quoi ressemblerait une Europe
gouvernée par ces partis. Malgré leur poussée, les populistes ne pèsent pas au
sein du Parlement Européen. Une situation tant due aux règles de majorité en
vigueur au sein de l’institution et au « combat » qu’il mène contre
le Conseil pour imposer l’Europe des peuples qu’au mode d’élection, à la proportionnelle.
Cet état des choses implique donc des coalitions et une politique de consensus.
Pour savoir à quoi ressemblerait une
Europe où les populistes imposeraient leur empreinte, il faut donc se tourner
de l’autre côté de l’Atlantique où les élections de mi-mandat auront lieu en
novembre. Dans ces élections, l’importance du Tea Party divise profondément le
parti Républicain et pèse considérablement sur l’économie mondiale.
Dernier épisode en date : la primaire
républicaine dans la 7e circonscription de Virginie, un État qui
bascule progressivement du côté démocrate mais reste encore un « état
bascule » ou swing state. Une primaire marquée par la défaite d’Eric
Cantor, élu depuis 13 ans à la Chambre des représentants, une première depuis 1899.
Vous ignorez qui est Eric Cantor ? Moi aussi, jusqu’à hier. Eh bien, Eric Cantor est le chef de la majorité parlementaire à la Chambre. Son opposant : Dave Brat, obscur professeur d’économie soutenu par… le Tea Party. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir lésiné sur les moyens. Eric Cantor a dépensé plus de $ 5 million tandis que son adversaire ne disposait d’un budget de campagne que de $ 123 000 moins que les $ 168 000 du budget restaurants de Cantor. On pourrait se dire que sa défaite est due à une position trop modérée. Mais au contraire, Cantor s’est lui-même présenté comme un des chefs de la « droite dure » du parti Républicain bénéficiant du soutien des principaux lobbys conservateurs tels que la NRA. Ses adversaires politiques disent qu’il ne récolte que les fruits de son discours encourageant les demandes démagogiques du Tea Party. Pourtant, malgré ses positions, Cantor a fait des compromis pour permettre l’adoption de certains textes.
Une réduction des libertés civiles.
Le Tea Party,
comme le Front National, invoque sans cesse la liberté d’expression et le 1er
amendement à la constitution des États-Unis pour justifier leurs propos
outrageants, totalement démagogiques voire franchement racistes ou parfois
antisémites. Ils critiquent les médias mais ont besoin d’eux[1].
L’un comme l’autre cherchent à détruire l’échelon fédéral/communautaire qui
attenterait à leurs libertés alors qu’il les garantit. L’exemple le plus
parlant est la loi relative aux modes de scrutin aux États-Unis. Récemment, la
Cour Suprême a déclaré inconstitutionnelle[2]
des dispositions de la VRA[3]
imposant un contrôle des États et municipalités ayant un historique
discriminatoire. Le contrôle porte sur les restrictions imposées au droit de
vote dans les États américains. En effet, sous couvert de lutte contre la
fraude électorale, les républicains notamment ceux issus du Tea Party ont fait
adopter des lois imposant de disposer d’une pièce d’identité avec photo pour
voter. Hors des millions d’Américains n’en dispose pas à l’image de Dorothy
Cooper[4],
principalement des minorités noires et latinos qui votent très majoritairement
démocrate. Ce sont donc les dispositions
protectrices contre ces législations abusives que la Cour suprême a déclaré
inconstitutionnelles.
Or, Eric Cantor était le seul républicain à la Chambre à avoir voté pour la VRAA[5] qui rétablit la plupart des protections abrogées en vue des élections à l’automne prochain. Or, avec sa défaite, aucun républicain ne semble en mesure de le remplacer. Et ce, d’autant plus que la Commission des affaires juridiques de la Chambre, majoritairement républicaine, bloque ce texte.
Ainsi, sous couvert de lutte contre la
fraude (un phénomène qui concernait 86 votes sur 196 000 000 sous
l’administration Bush junior soit 0,00004%) et pour la liberté d’expression, on
aboutit à des restrictions sur les droits et libertés fondamentales.
L’autre conséquence de la montée en puissance du Tea
Party est le refus de tout compromis sur les questions budgétaires. Ainsi, la
fermeture du gouvernement qui a lieu fin 2013 est due à l’intransigeance de la
minorité des élus républicains issus du Tea Party au Congrès. Mais, ce n’était
pas la première fois. En 2011, les États-Unis avaient déjà évité la paralysie.
Puis l’année suivante, les élus du Tea Party avaient pris en otage l’économie
américaine et donc par ricochet l’économie mondiale en refusant tout compromis
sur le relèvement du plafond de la dette américaine. Dans ces deux cas, le
président Obama avait cédé mais pas en 2013 ce qui avait expliqué la paralysie
qui s’en suivi. Mais chaque année, le problème se pose de nouveau, soit sur le
budget, soit sur le plafond de la dette. Or, tout blocage sur ces questions
cruciales reviendrait à ce que les États-Unis, à savoir la première économie
mondiale, le pays dont la monnaie domine 67% des échanges mondiaux et qui est
aussi le premier débiteur mondial soit en cessation de paiements.
Or, les États-Unis, c’est près de 18 000 milliards de dette publique attendu pour fin 2014 soit plus de 40 fois la dette publique grecque. Une dette détenue à 27% par la Chine et 20% par le Japon. Un défaut aurait donc des conséquences considérables et reviendrait à transformer le dollar en monnaie de singe.
Certes, le budget européen est loin de
représenter autant que le budget fédéral américain (1% du PIB européen contre
plus de 30% du PIB américain), mais un profond désaccord sur les mesures à
adopter au niveau de la zone Euro où le Parlement Européen a son mot à dire aurait
des conséquences très graves sur l’Euro et conduirait de la même manière
l’Europe et ses États-membres dans le mur.
Ainsi, par ces deux exemples, on voit bien les conséquences considérables que peuvent avoir les blocages qu’entendent mettre en œuvre les populistes et autres extrémistes au Parlement Européen. Certes, le mode de scrutin à la proportionnelle protège encore le Parlement Européen et donc l’Europe de tels blocages car il rend nécessaire la constitution de coalitions. Mais comme le montre l’exemple des conservateurs britanniques ou celui de l’UMP en France, suivre les populistes et reprendre certaines de leurs idées, le référendum sur la sortie de l’Union au Royaume-Uni, la droitisation de l’UMP avec la campagne de Sarkozy en 2012 (droite forte) montrent bien que la solution est ailleurs. L’un comme l’autre ayant perdu beaucoup de sièges au profit des populistes lors des dernières solutions. La solution est à chercher dans la construction d’une véritable Europe des peuples et non dans l’Europe des États qui a montré depuis plus de 20 ans, sa totale inefficacité à résoudre les crises que l’Europe a traversé.
[1] On peut
d’ailleurs noter que malgré son souhait de constitutionnaliser le droit à la
liberté d’expression, Marine Le Pen est la personnalité politique française qui
attaque le plus souvent ses détracteurs en diffamation.
[2] Comté de
Shelby contre Holder, 27 Février 2013. Décision disponible sur le site de la
Cour Suprême des États-Unis. http://www.scotusblog.com/case-files/cases/shelby-county-v-holder/
[3] Voting Rights
Act : loi qui abolissait les restrictions imposées aux noirs américains
pour voter tels que les épreuves de connaissance et les taxes imposées pour
passer ces épreuves. Cette loi a été adoptée en 1965 par le président américain
Lyndon Johnson suite au mouvement des droits civiques américains.
[5] Voting
Rights Act Amendments
[6] Sénateur
Mitch Mc. McConnell, chef de la minorité républicaine au Sénat des États-Unis,
sénateur du Kentucky.
1 commentaire:
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